Action populaire pour l'éducation libre


Le 11 février dernier, environ 70 personnes, en majorité des étudiantEs, ont occupé pendant une douzaine d'heures les bureaux du Conseil du patronat du Québec. Dans le cadre de la journée pancanadienne d'action (qui c'est déroulée le 28 janvier pour le reste du Canada), l'élément du Québec de la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants avait organisée l'occupation d'un édifice privé. La cible avait été bien choisie. En effet, le Conseil du patronat du Québec compte pratiquement tous les chefs des grandes entreprises du Québec et exerce plus que sa juste part d'influence dans notre société. Les militantEs revendiquait, entre autres, le plein financement public de l'éducation, une éducation universelle, accessible et gratuite pour tous à tous les niveaux, une allocation de subsistance garantie pour les étudiantEs, l'autogestion des institutions post-secondaires et le retrait des entreprises à but lucratif de leurs conseils d'administration.

Le symbole et défenseur du capitalisme au Québec fut chargé vers une heure mercredi après midi lorsque deux autobus s'arrêtèrent en face de l'édifice où loge le CPQ. À la vitesse de l'éclair, les autobus se vidèrent et les militantEs prirent possession des bureaux du Conseil, se situant au cinquième étage. Après avoir évacués les deux employés, les militantEs se barricadèrent à l'intérieur des bureaux en bloquant les trois portes à l'aide de bureaux, de classeurs, de chaises, de chaînes de cadenas et de corde. En quelques minutes, les entrées étaient sécuritaires et une assemblée générale fut commandée. Les revendications spécifiques à l'occupation furent alors démocratiquement établies. Les occupantEs demandaient, entre autres, qu'unE représentantE du gouvernement fédéral se prononce publiquement au sujet de l'AMI (Accord multilatéral sur l'investissement).

Pendant ce temps, une merveilleuse manifestation comptant plusieurs centaines de personnes se déroulait à l'extérieur. Des discours et un théâtre de marionnettes géantes étaient au programme. Les occupantEs écrivirent des messages sur des cartons pour les gens de l'extérieur qui pouvaient lire les mots : "REINE SOLIDARITÉ OCCUPATION". Le mot "reine" faisant référence à l'action de désobéissance civile qui eue lieu à l'hôtel Reine Elisabeth en décembre dernier, où plus de cent personnes furent arrêtés pour avoir troublé le repas de bourgeois, en s'emparant carrément du buffet.

Après quelques heures d'occupation, les militantEs se trouvèrent des activités pour passer le temps, qui pour la plupart passa très vite. CertainEs entamèrent des discutions idéologiques, plusieurs firent connaissance, d'autres partirent à la recherche de documents compromettants où regardèrent la télévision en quête de rares reportages au sujet de l'occupation. Il n'y avait vraiment pas de quoi s'ennuyer. Ceux qui voulaient se divertir pouvaient observer les mouvements des policiers grâce au système de surveillance par caméra, téléphoner à leurs amiEs à l'extérieur ou jouer aux échecs.

Les occupantEs auraient été capables de rester longtemps et ils-elles ont d'ailleurs voté pour passer la nuit puisque les gens du gouvernement fédéral étaient partis se coucher ! Les représentants du pouvoir avaient évidement joué la carte du silence. Plus ils ignoraient l'événement, moins la population le prendrait comme important. C'est probablement pourquoi les policiers ont mis fin à l'occupation dans la nuit. Les passants sont plus rares et les médias moins disponibles en pleine nuit. Belle façon d'étouffer l'affaire.

C'est donc après une douzaine d'heures d'attente que les policiers firent découper le mur avec un couteau à lame rétractable. Probablement la meilleure chose à faire de leur part puisque les portes étaient pratiquement infranchissables. Quelques secondes après que l'avis d'éviction fut donné, le mur pré-coupé fut défoncé par les protecteurs des exploiteurs. La plupart des militants eurent le temps de se "réfugier" dans la luxueuse salle de réunion du CPQ. Les serviteurs du patronat firent irruption très rapidement et prirent le contrôle des bureaux. Quelques personnes furent brutalisées refusant ou hésitant à répondre aux ordres des protecteurs de patrons.

Après quelques heures d'attente, les militantEs furent misES en état d'arrestation pour méfait et voit de fait par intrusion et ils-elles furent fouilléEs et identifiéEs au rez-de-chaussée du bâtiment. Ils-elles furent ensuite pour la plupart libéréEs sans trop de complications. Les militantEs purent constater le manque de savoir-vivre des policiers. Quelques uns étaient polis et sympathiques mais d'autres étaient carrément cons et firent une démonstration de la bassesse dont l'esprit humain est capable. Plusieurs des militantEs qui les défendaient avant l'action s'en mordent les doigts présentement.

En somme, l'action s'est bien déroulée et peut être considérée comme un succès. Malgré la faible publicité médiatique, l'action a quand même permis de faire perdre une journée au Conseil du patronat du Québec et l'organisation prendra plusieurs jours à s'en remettre. C'est malheureusement trop peu pour arrêter l'exploitation. Il faut continuer la lutte, convaincre de nouveaux et nouvelles militantEs ou sympathisantEs en discutant, en les faisant se questionner sur le monde. Le jour où on arrête de se questionner, on ne vit plus. La lutte continue !

Février 1998

Textes dérisoires

Dérision
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